"WHERE TO INVADE NEXT ?" - VIENS CHEZ NOUS, MICHAEL !
WHERE TO INVADE NEXT ? - VIENS CHEZ NOUS, MICHAEL !
C'est chaque fois la même chose : dès qu'un américain, et en l'occurrence ici, Michael Moore, montre les trous dans les jupons du rêve Américain en filmant les aspects positifs du rêve Européen ( car il y en a un), c'est la levée de boucliers des chevaliers du "chez-nous-c'est-nul", des "Mais non-ça ne marche pas-si bien", et des rabat-joie du "Où-ça-des-avantages" ?
Parce que des avantages à vivre en Europe, il y en a. Des inconvénients aussi, mais ce n'est pas de ça que traite Michael Moore. Il traite du rêve social humain des deux côtés de l'Atlantique et de ses conséquences. Il traite de la déliquescence de son immense et génial pays qui a largué les amarres depuis longtemps en matière de lien social et navigue dans l'Océan du libéralisme, où ceux qui chavirent n'ont qu'à se débrouiller, parce que c'est plus sain pour l'économie. Pas d'assistance, pas d'assistés. D'accord. MAIS, dit Moore, peut-être pourrions nous nous améliorer en nous inspirant de l'expérience des vieux pays que nous avons l'habitude de mépriser copieusement ? Peut-être pourrions nous rêver autrement, dit-il.
Quoi ?! Rêver autrement ? Sacrilège ! Gauchiste !
Et là, le rusé candide se voit pris à partie par deux sortes de personnages : le réac Américain, qui ne voit pas pourquoi il faudrait changer la société, réformer le système pénitenciaire et autoriser l'avortement, payer des congés et mieux nourrir les enfants des pauvres à l'école, et le réac Européen, qui n'a jamais encaissé les lois encourageant la liberté, le temps pour soi, la qualité de vie pour tous, le choix concernant son propre corps, la consommation libre de substances diverses et le partage des dividendes des entreprises, y compris pour les employés d'échelon 1.
Les critiques de comparaison de mode de vie sont en général émises par des classes sociales gavées de confort et de conformisme et ne posent pas cette simple question : Et si Michael Moore ne se servait que des exemples mirifiques qu'il présente que comme d'allégories ? Et SI il utilisait cette réalité parcellaire mais enviable pour faire rêver tout le monde, Européens et Américains confondus ? Tout est perfectible, après tout. On peut toujours faire mieux.
Bien sûr, toute l'Europe n'est pas égalitaire quand on parle de congés, d'avantages sociaux, et des droits des femmes ou des LGBT. Il y a des endroits où on vit mieux que d'autres. Un documentaire est forcément un angle. La vue selon un angle ne peut donner un paysage à 360°C. Mais tous ces gens, là, ils existent. Tous ces ouvriers qui ont droit à une pause et à des congés payés, ces prisonniers traités comme des êtres humains et pas comme des animaux, ces gosses qui font beurk devant la gamelle informe de leurs condisciples américains, ces personnes sans ressources prises en charge gratuitement dans les hôpitaux en vertu des lois de l'Assistance Publiquevotées de 1848 à 1933 en France ( eh oui, ça nous coûte fort cher, mais tant pis, s'extraire du moyen-âge social ça coûte.) Tous ces gens qui considèrent qu'ils le valent bien ?
Ben si, quand même, ils existent.
- Pamphlet malhonnête ! Lit-on dans la presse. Attaquer le rêve libéral ! Manipulation ! Alors, si nous ne pouvons rêver autrement, insiste Moore, peut-être pourrions-nous nous donner les moyens de le faire ? Les moyens, ça nous connait, en Amérique. Au lieu de construire un mur de la honte entre le Mexique et les USA, de polluer les nappes phréatiques avec l'extraction du gaz de schiste, de se faire graisser les pattes et la conscience par la NRA, de laisser s'enfoncer dans la misère les classes moyennes, de militariser notre économie, parce qu'on n'a pas l'imagination de relever le pays autrement que par la guerre ? Hein ?
Allez, courage Michael, parce que depuis des années, de Sicko à Bowling for Columbine, de Roger and me à Canadian Bacon et au Big One... A chaque fois, tes films ont changé le regard du monde sur l'Amérique et il y a fort à parier que si Barack Obama n'avait pas vu Sicko, il n'aurait peut-être pas tant insisté pour établir l'Obama Care, qui prévoit d'obliger les 50 millions d'américains sans couverture sociale à s'assurer pour se soigner. Comme ici. Sauf que là-bas, vos associations religieuses s'opposent au remboursement de la pilule et de l'avortement.
Pas gagné, quoi. Courage Michael, on est avec toi. Et surtout continue, parce que nous on est comme toi, on l'aime, L'Amérique.